Ici, ce n’est pas un endroit pour mourir s’ouvre sur la découverte d’un cadavre, celui d’un chien par un jeune garçon, le narrateur. Cette collision psychique est prise en charge par la composition même de la pièce qui se déplie jusqu’à nous faire découvrir une famille empêtrée dans son drame, sa douleur, sa honte, son silence. Une famille qui a cru devoir travestir le décès de son fils par un voyage lointain, le transformer en secret. Une famille qui vit sur un cadavre et dont les relations s’intriquent dans la douleur du souvenir.
La disparition d’un fils dans un petit village et le secret qu’elle produit et abrite à la fois sont l’échafaudage du texte. Il est nécessaire de le franchir pour y découvrir la difficulté que tout un chacun vit pour s’entendre avec autrui, l’impossible relation apaisée avec le monde, le mutisme victorieux.
Ce n’est pas un texte sur le dévoilement du secret, mais sur les rumeurs du village, en son sein, la difficulté de prendre soin des siens. L’échec est au centre de tout, du monde et de soi. Tout est constat d’échec. Boronat écrit ce dernier, mais il ne lui attribue aucune résolution hormis des échos poétiques qui permettent au futur public et lectorat de voir l’impossible articulation des mondes qui nous constituent, autant socialement qu’au-dedans de nous-mêmes.
© Albert Boronat
Albert Boronat, très remarqué sur la scène espagnole actuelle, est un des auteurs les plus originaux et vertueux de sa génération, un artiste infatigable qui va du champ de l’écriture et de la scène à celui de la pédagogie. Il est diplômé en philosophie (2013 — Institut del Teatre de Barcelone), et a reçu plusieurs bourses d’écriture qui saluent son travail (ETC—Blanco — Cuarta Pared, 2015, Madrid / Studio Européen des Écritures pour le Théâtre, 2016).
L’une des caractéristiques de son travail réside dans « la narratologie ». À l’œuvre dans chacun de ses textes, toujours sous l’emprise d’une dramaturgie forte, elle est structurée et structurante dans l’émergence de nos imaginaires.
© Marion Cousin
Marion Cousin est traductrice de théâtre hispanophone et spécialiste de la scène contemporaine espagnole. Elle est docteure en études théâtrales de l’Université Paris 3 – Sorbonne Nouvelle, où elle a soutenu en 2012, sous la direction de Jean-Pierre Ryngaert une thèse sur « L’Auteur en scène. Analyse d’un geste théâtral et dramaturgie du texte né de la scène », consacrée au travail d’Angélica Liddell, Rodrigo García, Jan Lauwers et Joël Pommerat et, en 2007, un mémoire de master sur « Le Théâtre de la désintégration : la jeune dramaturgie argentine face à sa reconstruction » à propos des écritures d’Alejandro Tantanian, Daniel Veronese, Rafael Spregelburd et Marcelo Bertuccio.
Elle traduit les textes de l’auteur et metteur en scène argentin Alejandro Tantanian, du dramaturge mexicain Ángel Hernández, et des « auteurs en scène » espagnols et catalans Pablo Gisbert, Albert Boronat, Cristina Peregrina, Agnés Mateus et Quim Tarrida, Cris Blanco, Laida Azkona et Txalo Toloza, Soren Evinson, Bárbara Sánchez, Sonia Gómez et Ramon Balagué et des collectifs et compagnies La Tristura, Vértebro, Societat Doctor Alonso, El Conde de Torrefiel, Cabosanroque. Pour certaines de ces compagnies, elle assure également la rédaction et la régie du surtitrage, et ce depuis 2014.
Très proche de la scène barcelonaise actuelle, et occupant une place singulière dans la recherche sur la scène contemporaine européenne, elle est sollicitée pour la rédaction d’articles, pour des colloques ou pour la préparation d’entretiens. Elle y expérimente d’autres protocoles d’étude et d’analyse de la création contemporaine, fondés sur un renversement des modalités d’entretien avec les artistes.
Elle collabore avec la plateforme éditoriale jeune maison Actualités Éditions, dédiée au théâtre hispanophone du XXI°, qui a publié plusieurs de ses traductions : « Un repas d’oiseaux » précédé de « Les corps laissent des corps » de Cristina Peregrina, « La Possibilité qui disparaît face au Paysage » suivi de » GUERRILLA » de Pablo Gisbert, « CINÉ » d’Itsaso Arana et Celso Giménez, et « Snorkel » d’Albert Boronat, texte lauréat de l’Aide nationale à la création de textes dramatiques – ARTCENA, catégorie traduction, à la session de novembre 2019.
Également musicienne, elle accompagne l’auteur et compositeur espagnol Borja Flames et se consacre au collectage, à la transmission et l’interprétation des chants traditionnels de la péninsule ibérique, notamment dans un disque paru en 2016 avec le violoncelliste Gaspar Claus, Jo estava que m’abrasava – Chants de travail et romances de Minorque et de Majorque et dans Tu rabo par’abanico – Romances de Extremadura, disque enregistré avec le duo de musique électronique Kaumwald et paru en 2020.