Quatre personnages solitaires orchestrent un fait plutôt sordide : une urne funéraire, contenant les cendres d’un père, laissée un moment sur le trottoir par la famille, disparaît. Le voleur, qui pensait s’emparer d’un vase de valeur, s’en débarrasse en la jetant dans une benne à vêtements. Un agent d’entretien de l’entreprise de collecte, chargé de s’en défaire croit bien faire en dispersant les cendres du haut de son immeuble, pour offrir « une fin digne » au défunt. La famille en émoi recherche l’urne et placarde des affichettes. Le voleur et l’agent d’entretien finissent par lui remettre, chacun de leur côté, de « fausses » cendres, qui seront mêlées, puis dispersées, comme prévu, dans un vaste champ couvert de neige, horizon de tous les possibles, du renouvellement, de la continuité.
Ce voyage inattendu fait affleurer à la surface les conflits familiaux, les attachements, la douleur silencieuse, et l’atavisme qui nous façonne.
Ces minuscules vies sont ballotées par de petits échecs quotidiens, toujours en fuite sans savoir vraiment où ni pourquoi. « Sommes-nous autre chose que des cendres ? », se demande l’un d’eux – mais ils entendent désormais, tenir debout, prendre le risque d’exister.
© David Villalba
Javier Vicedo Alós (Castellón, 1985), poète et dramaturge, compte de nombreux recueils de poèmes à son actif, la plupart publiés en Espagne. En 2014, sa première incursion au théâtre avec Summer Evening, pièce inspirée d’un tableau d’Edward Hopper dont il fait dialoguer les personnages, est récompensée par le prix national de Théâtre Calderón de la Barca. Il considère que l’acquisition des rudiments du « métier » dans le domaine de la poésie et du théâtre peut entraîner paradoxalement un étranglement : « le poème doit demeurer un être inconnu de son auteur, un organisme qui a ses propres lois et résiste à être autre chose que lui-même. Il en va de même pour le théâtre ».
© Edouard Pons
Edouard Pons (1947) né à Madrid, de mère espagnole et de père français, a grandi et vécu dans les deux langues. Après une scolarité entre Madrid, Lisbonne et Tunis, il fait des études de Lettres supérieures au lycée Henri IV (Paris), et d’espagnol à la Sorbonne. Il parcourt l’Amérique Latine (1971-1973), du Mexique au Pérou, à pied, en camion, voire en pirogue, participe à la construction collective de maisons en adobe au Mexique, à la récolte du café en Équateur. Alors qu’il travaille comme journaliste à l’Agence France-Presse à Lima en 1974, il devient correspondant et directeur de plusieurs bureaux en Amérique Latine, en Espagne et au Portugal. Il est membre du comité castellano & gallego d’Eurodram.